

Modèle 3D vascularisé sur puce microfluidique dans le cancer pancréatique :
Impact des cellules épithéliales tumorales de patients sur la perméabilité vasculaire
Dr Amandine Pitaval, projet financé dans le cadre du Fonds de Soutien à la Recherche SFP/Ipsen
Contexte scientifique
Le microenvironnement du PDAC (Pancreatic Ductal AdenoCarcinoma) est une composante majeure et atypique de cette tumeur. En effet, dense et fibreux, il peut représenter jusqu’à 90% du volume tumoral. Il est principalement constitué de fibroblastes, mais également de cellules immunitaires et de cellules endothéliales. Ces dernières forment une vascularisation aberrante et peu développée contrairement à la majorité des autres tumeurs solides qui sont hypervascularisées.
La compréhension des mécanismes à l’origine des altérations vasculaires, ainsi que de leurs conséquences sur la fonctionnalité endothéliale reste partielle. L’imagerie des tumeurs de patients montre que ce réseau comprimé est hypo-perfusé. Par ailleurs, ces tumeurs surexpriment du VEGF qui peut conduire à une modification des jonctions endothéliales et à une hyperméabilité vasculaire. En effet, une fuite des vaisseaux a été observée dans le cas de tumeurs PDAC orthotopiques chez la souris ou PDX (Patient-Derived Xenografts) après l’injection de traceur fluorescent (Dextran-FITC). Ce processus constituant des brèches vasculaires pour l’infiltration de cellules tumorales contribue à l’augmentation de l’agressivité des cellules tumorales et serait à l’origine du défaut d’accessibilité de drogues, ce phénomène représentant un obstacle majeur à l’efficacité
Résultats préliminaires
Nous avons développé un modèle 3D reproduisant les altérations vasculaires induites par les cellules tumorales de patients. Ce modèle repose sur la récapitulation (1) d’un compartiment stromal composé d’un gel de fibrine contenant des cellules endothéliales (HUVEC-GFP) et des fibroblastes (cellules primaires de poumon humain). L’association de ces deux types cellulaires permet l’auto-organisation d’un réseau endothélial homogène et connecté en 7 jours et (2) d’un compartiment épithélial tumoral. Les cellules tumorales issues de la dissociation de prélèvements de patients sont ensemencées à la surface du gel fibrine vascularisé et riche en matrice extracellulaire secrétée par les fibroblastes. En quelques jours, des structures 3D appelées PDOs (Patient-Derived Organoid) se forment à la surface du gel. Ces PDOs ont la particularité de récapituler partiellement la structure et/ou le fonctionnement de la tumeur d’origine.
Objectifs du projet
La quantification du réseau vasculaire en présence des PDOs nous donne une indication sur l’aspect morphologique de ce dernier mais il est nécessaire de pouvoir définir sa fonctionnalité. Ainsi, nos objectifs principaux sont les suivants :
- Obtenir un réseau vasculaire connecté à la tumeur et fonctionnel sous flux
- Étudier l’influence de l’agressivité tumorale sur l’organisation du réseau vasculaire, à travers des analyses structurales (jonctions endothéliales) et fonctionnelles (perméabilité)
Pour ce projet, nous utiliserons des organoïdes dérivés de patients (PDO) ainsi qu’une plateforme microfluidique développée en collaboration avec un laboratoire d’Ingénierie du CEA Grenoble (LETI), pour étudier une communication cellulaire par contact direct du compartiment stromal et tumoral connecté au réseau vasculaire.
Enjeux et perspectives
Les thérapies anti-angiogéniques actuelles échouent souvent, notamment en raison d’une compréhension insuffisante de la dynamique des fuites vasculaires. Ce projet propose un modèle réaliste et reproductible pour combler cette lacune. À court terme, il fournira un outil d’étude standardisé de la perméabilité vasculaire. Le projet vise également à identifier de nouvelles cibles thérapeutiques pour normaliser la vascularisation et optimiser l’efficacité des traitements anticancéreux.
À long terme, ces modèles pourraient servir de base pour le développement de tests compagnons, dans le cadre de la médecine personnalisée, afin d’orienter les décisions thérapeutiques des oncologues en fonction du profil tumoral de chaque patient.